Vessels and lights
Manuel Fadat
En juin 2009, à la Maison de la culture de Bratislava s’est tenue la dernière exposition de l’artiste Slovaque Palo Macho : Vessels and lights. Celle-ci n’est pas juste un agencement de ses pièces récentes, mais un agencement juste, imaginé avec Katarina Bajcurova, livrant les recherches de cet artiste singulier qui fait usage du verre mais qui se dit volontiers peintre. En outre, l’exposition se base sur une problématique intéressante, apportant un éclairage précieux pour toute lecture de sa pratique : une réflexion sur l’objet verre et sa représentation.
L’exposition est aérée et aérienne. Les œuvres sont disposées dans une salle aux murs blancs, lumineuse. Conditions idéales. Comme l’on pouvait s’y attendre, il s’agit de panneaux de verre peints dont les surfaces sont traitées par thermoformage. Trois registres : assemblages en polyptiques de grande taille, sans cadres, posés à même le sol et le mur, parfois associés à des vases ovoïdes ; polyptiques de moyen format, fixés aux murs ; disques de verres fendus verticalement en leur milieu maintenus à différentes hauteurs grâce à de fines tiges de métal ; panneaux dans l’espace, enchâssés dans des structures métalliques. L’unité plastique est manifeste : brillances, opacités, satinages, jeux chromatiques, dessins de « formes » essentielles, aplats de couleurs, interactions avec des reliefs plus ou moins prononcés, le tout harmonieusement chorégraphié dans l’espace pluriel d’un panneau de verre : dessus, dedans, dessous, mais aussi autour, par projection, réflexion.
On connaissait Palo Macho pour son travail spécifique de peinture monumentale sur des panneaux de verre et ses compositions par stratification, jouant avec les mouvements de la matière préalablement travaillée. Mais bien sûr faut-il aller au-delà des apparences car il n’est pas uniquement question de tours de passe-passe plastiques, de technologies maîtrisées et d’un certain art du geste oscillant toujours entre figuration et abstraction. Il s’agit là d’un art de peindre : où le verre est matière picturale et non simple support ; où le dessin prend une place capitale, tant dans la peinture qu’en tant qu’acte, puisqu’il est exercice gymnique, préparation mentale, passage vers la création ; où les notions de picturalité et d’art sont pensées tout à la fois par résonnance avec sa formation mais encore sa volonté d’échapper aux systèmes. Car Palo se veut toujours sur la brèche. Rappelons brièvement, sans toutefois l’y réduire, qu’il provient d’une génération d’artistes ayant bénéficié de l’effervescence animant le milieu verrier, fin années 80 début années 90, lors desquelles, comme le décrit Katarina Bajcurova, naissait une veine d’artiste procédant à une interprétation intermédiaire et mixmédiaire des disciplines, effaçant les frontières de genre et de sorte. C’est ce qu’elle remarquait après 1989, l’année où il entre au département verre des Beaux arts de Bratislava, l’année aussi où le directeur, Askold Zacko, de la dite Ecole de Bratislava, est évincé au profit de Juraj Gavula, dans l’énergie de la « révolution » de 1989, qui toucha toutes les sphères de la société. Palo échappe par ailleurs à la tendance optique géométrique. Mais ses liens avec Yan Zoritchak peuvent constituer aussi un point d’analyse. D’où l’anticonformisme, d’où une manière de considérer le verre comme élément de sa peinture, d’où ce dont cette exposition est le fruit, conceptuellement. En effet, comme Mme Bajcurova l’explique, si le verre, comme objet, est l’apanage des verriers depuis des temps immémoriaux, il n’a jamais été celui de Palo, ni en tant que verrier, ni en tant que designer, ce qu’il n’est pas, mis à part pour des productions ponctuelles pour des raisons sculpturales et conceptuelles. Celui-ci a pourtant décidé, depuis 2004, d’interroger cet archétype, sa représentation, son idée, et de le décliner jusqu’à l’épure, au schéma. Ici le verre ne contient plus, il est contenu. Il ne fait plus qu’un dirons-nous, énigmatiquement.
Indiquons enfin qu’un superbe film vient de lui être consacré. Une façon de rentrer en profondeur dans son univers, de capter une part de son imaginaire et de ses manières d’être et de faire : Peintures de verre. Où l’on voit comment la nature est source de contemplation, et comment les mouvements imperceptibles du monde pénètrent dans son esprit et ressurgissent sous forme artistique.