A chacun son ciel

Katarína Bajcurová

C’est à juste titre que l’oeuvre de Palo Macho (né le 22 septembre 1965 à Streženice près de Púchov, Slovaquie), ce jeune artiste verrier contemporain de talent représentant l’art du verre slovaque, éveille notre attention et la retient. Son travail se distingue de celui de ses contemporains et même de celui de ses prédécesseurs. Il poursuit son propre chemin artistique – même au prix de coupures, d’obstacles et de retours – et va toujours de l’avant. Son développement et sa formation professionnels sont liés au destin de la verrerie tchèque et slovaque. Entre 1983 et 1986, il a été formé à l’Ecole des Arts Appliqués de Kamenický Šenov (aujourd’hui en Tchéquie), dans la section de peinture sur verre, puis a continué à étudier à l’Académie des Beaux-Arts de Bratislava (sous la direction des professeurs associés Askold Žáčko et Juraj Gavula) de 1989 à 1996. Pendant ses études à l’Académie, il a eu l’occasion de suivre des cours à l’Ecole des Beaux-Arts de Saint-Etienne en France (1993). Il a eu le courage d’aller au-delà du point de vue général, du paradigme inamovible qui voulait que «la tradition de la verrerie slovaque ne se situe pas dans la couleur». Actuellement, il est le seul artiste de Slovaquie qui se consacre à la peinture sur verre et dont le travail donne un nouveau souffle à la verrerie contemporaine non seulement dans son pays, mais également au niveau international.

Pour démontrer le caractère innovateur de son travail, il suffit de jeter un coup d’oeil sur l’histoire de la verrerie slovaque et son développement actuel. Pendant de nombreuses années, l’art du verre moderne en Slovaquie était lié au message créatif de Cigler. En effet, Václav Cigler, cet artiste verrier tchèque qui a dirigé la section de la verrerie de l’Académie des Beaux-Arts de Bratislava de 1965 à 1979, a influencé plusieurs générations de diplômés de l’Académie qui ont tous adopté son credo artistique et spirituel. Chaque pas dans l’évolution de la verrerie slovaque a été perçu pendant des décennies soit comme une thèse soit comme une antithèse de la conception de Cigler et de ses disciples, notamment par rapport à celle de la sculpture optique brisée des formes géométriques. Palo Macho, cependant, fait partie de la génération des jeunes artistes libérés du poids de cet héritage et qui, durant les années 1990, s’intéressaient avant tout à l’expression intermédiale et mixmédiale, aux nouvelles paraphrases picturales et spatiales de l’esthétique des objets et des installations. Bien qu’avec les années l’image de la verrerie slovaque se soit différenciée en de nombreuses formes d’expression, spatiales, matérielles et technologiques, il faut souligner qu’elle n’a jamais cessé de se préoccuper de la recherche de la forme, de l’espace intérieur et de l’expression individuelle. Dans ce sens, la couleur a joué un rôle plutôt secondaire dans l’art du verre en Slovaquie: elle n’était qu’un moyen d’expression de plus pour accentuer l’impact émotionnel d’une oeuvre, sur laquelle elle était appliquée comme un pigment intérieur, comme une couleur d’émail dentaire, sans que soit employées de techniques propres à la peinture.

Palo Macho a commencé à se consacrer à la couleur et à la peinture sur verre pendant sa formation à l’Ecole des Arts Appliqués dans la section de la peinture sur verre; c’est là qu’il a acquis tous les savoir faire et les connaissances technologiques liées à la tradition de la verrerie tchèque. Ensuite, par contre, lorsqu’il était à l’Académie des Beaux-Arts, où la tendance de la coloration du verre n’était pas développée, il s’est occupé plutôt d’autres dimensions, notamment spatiales. Mais il est retourné à la couleur et à la peinture sur verre pendant ses premières années de pratique professionnelle: en effet, il avait un poste de pédagogue à l’Ecole de Verrerie de Lednické Rovne (c’est la seule école secondaire en Slovaquie spécialisée dans la fabrication du verre) où il enseignait dans la section de la peinture sur verre. Il a commencé à explorer les possibilités d’associer la couleur au verre (à sa surface) selon des principes similaires à ceux de la peinture classique. Dès le début, il était clair que cette allliance ne serait pas simple, qu’il serait nécessaire de résoudre le problème technologique que posaient les matériaux si l’on voulait unir une plaque de verre à une couleur et éviter que la surface de verre ne soit qu’un support physique, qu’une «porteuse» de peinture. D’innombrables essais ont été réalisés avant qu’émergent enfin du four des plaques de verre dans lesquelles et sur lesquelles la masse, le volume et la surface étaient unis à la couleur et à la peinture. Macho a réussi à réunir trois couches de base en une entité de verre objet-image: la couche de base (qui apparaît finalement comme la dernière ou comme la première couche), la peinture intérieure (qui se forme à partir de la couleur qui a fondu à l’intérieur de la plaque de verre) et la peinture sur la surface (qui elle aussi peut être la première ou la dernière couche).

Il préfère travailler les plaques de verre en les formant et les déformant lorsqu’elles sont chaudes, ce qui lui permet de créer des peintures à double face, des reliefs, des objets-images. On peut en faire le tour, les regarder des deux côtés, puisque chaque côté révèle une image différente de l’oeuvre peinte. Cela ne dépend pas seulement du degré et du genre de pigmentation, de l’application de la couche de base, de la peinture mise à l’intérieur ou en surface, mais aussi de la transparence, de l’absorption et du rayonnement de la lumière à travers la couleur, ainsi que des effets lumineux extérieurs qui changent le relief de l’image. Macho emploie ingénieusement tant les couleurs transparentes que les opaques, sait donner un aspect métallique ou du lustre, ou encore rendre mat ou brillant, et diviser la plaque de verre en parties transparentes et non transparentes. Le fait qu’en les faisant fondre Macho réunit plusieurs couches de verre teint et peint complétées d’un simple dessin de lignes, à l’intérieur et sur la surface, confère à ses objets-images du relief, de la profondeur et l’illusion de la création d’un espace intérieur, qui est en fait réel.

Et c’est précisément dans cet espace intérieur qu’il essaie de raconter une histoire immatérielle de sa peinture comme d’une sensation spirituelle, d’une métaphore illimitée, d’un jeu amusant de contemplation métaphysique. Bien que de fines lignes entourant de mystérieux symboles figuratifs émergent comme par hasard et au hasard de la masse de verre marquées de sillons de tons colorés dessinés et de valeurs tonales calmes interrompues ça et là par un geste passionné et dissonnant, cette peinture et dessin n’a pas l’ambition de dépeindre quoi que ce soit. C’est comme s’il manquait à des bras et des jambes, à des fragments de corps étirés en train de voler, animés en formations ressemblant à des essaims, ou à des détails dessinés contrôlant la totalité, toute motivation concrète, iconique et conceptuelle. Ces images ne décrivent rien, ni ne décorent rien, elles se résignent à de nobles idéaux pour transformer le monde grâce à l’art et à des histoires existentielles pénibles sur le sens de la vie. Elles veulent être simplement des peintures par elles-mêmes et pour elles-mêmes. La fin de la peinture ou son ènième recommencement ? Les peintures de Macho sont, tout simplement; elles ne forcent à rien ni n’interdisent rien, elles offrent la possibilité de choisir. «A chacun son ciel ou à chacun... »

Palo Macho est un homme d’arts. Aussi bon en peinture et en dessin sur verre et dans du verre, en couleurs et en lignes, il sait s’exprimer dans un langage poétique, en poésie (en Slovaquie il a fait ses débuts en poésie en publiant un livre). Comme ce sont deux sphères d’intérêt indépendantes, ses peintures et dessins sur verre et dans du verre ne sont pas soumises à la verbalisation et ne sont pas les illustrations de ses textes poétiques. En dépit de ce qui a été dit, la perception de sa peinture et de sa poésie n’est pas simple. Parce que nous pouvons toujours tout exprimer avec des formes et des couleurs, et nous pouvons toujours tout peindre avec des mots dans un poème...

Je suis un jardin dans lequel tu te promènes et tu laisses le portail ouvert quand mon feuillage tombe tu l’écartes avec le pied alors je reconnais ce qui est vrai et ce qu’est la patience pour l’amour tu aimes mes arbres ma liberté et je te laisse ouvert le portail du jardin dans lequel tu te promènes je me promène on se promène.

La lune
ou le soleil
ou le ciel

ou j’écoute
ou je vois
ou je n’ai pas été

ou une conversation
juste pour qu’elle brille
une minute de p
l
u
s